Le paysage juridique français connaît des changements significatifs en 2024, avec une croissance du chiffre d’affaires global mais des indicateurs de productivité en baisse pour de nombreux cabinets. Cette analyse approfondie révèle les dynamiques complexes qui façonnent actuellement le secteur.

Un marché en croissance mais des signes de ralentissement

Le chiffre d’affaires cumulé des cabinets d’avocats analysés par Décideurs Juridiques a atteint 4,7 milliards d’euros en 2024, en hausse par rapport aux 4,4 milliards de l’année précédente. Cette progression masque cependant certains signaux préoccupants. La croissance des effectifs d’avocats ralentit, passant de 5% à seulement 3% cette année. Plus inquiétant encore, 25% des cabinets ont enregistré une baisse de leur chiffre d’affaires, contre 15% en 2022 et seulement 7% en 2021.La productivité par avocat semble avoir atteint un plateau, avec une progression moyenne de seulement 2% entre 2022 et 2023, contre 5% l’année précédente. De plus, 39 cabinets ont connu une baisse de leur productivité par avocat, un chiffre en nette augmentation par rapport aux 28 de l’année passée et aux 19 de 2021.

Les leaders du marché et leurs performances

Paul Hastings a détrôné Darrois en tête du classement Décideurs 100 pour la première fois depuis plusieurs années. Darrois reste néanmoins le seul cabinet français à afficher un chiffre d’affaires moyen par associé de 3,7 millions d’euros, bien au-dessus de la moyenne française de 1,2 million.Les cabinets américains maintiennent leur position dominante en termes de productivité, avec une moyenne de 2,7 millions d’euros par associé. Skadden conserve le record avec 7 millions d’euros par associé. Les cabinets anglais ne sont pas en reste, tous affichant un chiffre d’affaires moyen par associé supérieur à 1 million d’euros, avec Linklaters, Clifford Chance et Freshfields Bruckhaus Deringer atteignant les 2 millions.

La productivité par avocat : un indicateur clé

Dans le top 10 des cabinets les plus productifs par avocat, on retrouve aux côtés de Paul Hastings et Darrois des noms comme Mayer Brown, Weil Gotshal & Manges, Skadden, Bredin Prat, Cleary Gottlieb Steen & Hamilton, Dechert, BDGS et A&O Shearman. Ces cabinets affichent tous un chiffre d’affaires moyen par avocat supérieur à 875 000 euros, le meilleur d’entre eux frôlant le million et demi.Certains cabinets ont réalisé des progrès remarquables en termes de productivité, comme Paul Hastings qui a augmenté sa productivité par tête de 30 points en douze mois. D’autres structures ont suivi cette tendance positive, notamment Herald (+31%), Charles Russell Speechlys (+21%), Hoche (+19%), Bignon Lebray (+19%), Bersay (+19%) et Deloitte (+18%).

Les défis pour les cabinets de taille moyenne

Si le haut du classement affiche des performances impressionnantes, la situation est plus contrastée pour les cabinets de taille moyenne. Le nombre de cabinets générant un chiffre d’affaires moyen par avocat inférieur à 300 000 euros a diminué, passant de 19 à 16 en 2023. En conséquence, davantage de cabinets se positionnent dans les tranches supérieures de chiffre d’affaires moyen par avocat.La tranche comprise entre 300 000 et 400 000 euros de chiffre d’affaires moyen par avocat compte désormais 41 cabinets, contre 36 l’année précédente. La catégorie supérieure (400 000 à 700 000 euros) regroupe 25 enseignes, soit deux de plus que l’an dernier. Enfin, 18 cabinets se situent dans la tranche la plus élevée, entre 700 000 et 1,5 million d’euros par avocat, un chiffre en légère baisse par rapport à l’année précédente.

Les géants du secteur et leur poids économique

Les dix premiers cabinets du classement cumulent à eux seuls 847 millions d’euros de chiffre d’affaires, soit près de sept fois le chiffre d’affaires cumulé des dix derniers (122 millions). Cette concentration illustre les écarts importants qui existent au sein du marché.Fidal (283,24 millions d’euros) et EY (252,65 millions d’euros) dominent le classement en termes de chiffre d’affaires brut, suivis de près par Bredin Prat (198 millions d’euros). Ces mastodontes se distinguent également par la taille de leurs effectifs, avec près de 1 200 avocats pour Fidal et 700 pour EY. La performance de Bredin Prat est particulièrement notable, se positionnant parmi les leaders avec seulement 217 avocats et un chiffre d’affaires moyen par avocat de 912 442 euros.

L’évolution des effectifs et ses implications

La croissance des effectifs d’avocats dans les 100 cabinets analysés a ralenti, passant de 5% l’année dernière à 3% cette année. Neuf cabinets ont même subi une perte de plus de 10% de leurs effectifs, dont Hoche et Fromont Briens. Ce dernier a vu une partie significative de ses équipes partir pour fonder Littler France.La progression du nombre d’associés a également ralenti, passant de 4% à 2%. Sur les 2 400 associés recensés, moins de la moitié sont issus des 30 cabinets affichant un chiffre d’affaires par associé supérieur à 2 millions d’euros. Ces structures d’élite opèrent avec une moyenne de 29,5 associés pour 148 avocats au total.

Les modèles atypiques et leurs performances exceptionnelles

Certains cabinets se distinguent par des modèles organisationnels atypiques et des performances hors normes. C’est le cas de Skadden et Vogel & Vogel qui, avec respectivement 5 et 2 associés seulement et une trentaine d’avocats, génèrent 7 et 5 millions d’euros de chiffre d’affaires par associé. Ces structures, qui associent au compte-gouttes, représentent des exceptions notables dans le paysage juridique français.

Les perspectives pour l’avenir du secteur

Face à ces tendances contrastées, l’avenir du secteur juridique français semble incertain. Si la croissance globale du chiffre d’affaires reste positive, les signes de ralentissement de la productivité et de la croissance des effectifs soulèvent des questions sur la durabilité du modèle actuel.Les cabinets devront sans doute repenser leurs stratégies pour maintenir leur compétitivité dans un marché de plus en plus exigeant. L’innovation dans les services juridiques, l’optimisation des processus internes et l’adaptation aux nouvelles technologies pourraient devenir des facteurs clés de succès pour les années à venir.En outre, la concentration du marché autour des grands cabinets pourrait s’accentuer, mettant davantage de pression sur les structures de taille moyenne. Ces dernières devront trouver des moyens de se différencier, que ce soit par la spécialisation, la qualité du service client ou l’efficacité opérationnelle, pour maintenir leur position sur le marché.

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