La formation des collaborateurs est un pilier essentiel du développement organisationnel. Mais existe-t-il une limite à ne pas franchir dans ce processus ? Certains managers prônent une approche où le collaborateur n’est jamais totalement formé, une stratégie controversée qui mérite d’être analysée en profondeur.

Les fondements de cette approche managériale

La philosophie de ne pas former intégralement un collaborateur repose sur plusieurs postulats que certains managers considèrent comme stratégiques. Cette vision managériale s’appuie sur l’idée que l’apprentissage est un processus continu et que la connaissance totale d’un poste peut parfois engendrer des effets contre-productifs.

Dans un environnement professionnel en constante évolution, la notion même de formation « complète » devient questionnable. Les métiers se transforment, les outils changent, les processus s’adaptent. Dans cette perspective, maintenir le collaborateur dans une posture d’apprentissage permanent peut sembler cohérent avec les réalités du marché actuel. Certains dirigeants estiment que cette approche favorise l’adaptabilité et maintient une forme de vigilance cognitive chez les employés, les empêchant de tomber dans des routines confortables mais potentiellement sclérosantes.

Les risques managériaux d’une formation délibérément incomplète

Limiter volontairement la formation d’un collaborateur présente des dangers considérables pour l’organisation. Cette stratégie peut être perçue comme manipulatoire et générer un climat de méfiance au sein des équipes. La rétention d’information comme outil de pouvoir constitue une pratique toxique qui va à l’encontre des principes de management moderne centrés sur la transparence et la confiance.

Les conséquences peuvent s’avérer désastreuses à moyen terme. Un collaborateur qui perçoit qu’on lui cache délibérément des informations développera probablement une frustration croissante. Cette situation engendre souvent une baisse significative de l’engagement, une détérioration du sentiment d’appartenance et ultimement, un turnover accéléré. Les entreprises pratiquant ce type de management se retrouvent confrontées à des problèmes de fidélisation de talents et voient leur réputation employeur se dégrader rapidement. Dans un marché du travail où les compétences rares sont activement recherchées, cette approche représente un risque stratégique majeur pour la pérennité de l’organisation.

La formation continue comme alternative constructive

Plutôt que de limiter délibérément la formation, les organisations performantes privilégient aujourd’hui l’apprentissage continu comme paradigme de développement professionnel. Cette approche reconnaît que la maîtrise d’un poste n’est jamais définitivement acquise dans un monde du travail en mutation permanente.

Le concept d’organisation apprenante offre un cadre bien plus positif et productif. Dans ce modèle, l’entreprise crée les conditions pour que chaque collaborateur puisse continuellement développer ses compétences, explorer de nouveaux domaines et partager ses connaissances. Les managers deviennent des facilitateurs d’apprentissage plutôt que des gardiens de l’information. Les collaborateurs sont encouragés à sortir régulièrement de leur zone de confort pour acquérir de nouvelles compétences, sans que cela soit perçu comme une incomplétude de leur formation initiale. Cette dynamique favorise l’innovation, la polyvalence et l’adaptabilité de l’ensemble de l’organisation face aux défis futurs.

L’éthique managériale en question

La pratique consistant à maintenir volontairement un collaborateur dans une position d’incomplétude formative soulève de sérieuses questions éthiques. Elle va à l’encontre des principes fondamentaux du leadership responsable et du devoir de bienveillance qui incombe à tout manager.

Le management éthique implique une relation de respect mutuel entre l’entreprise et ses collaborateurs. Retenir délibérément des informations ou des formations nécessaires à l’accomplissement optimal des missions constitue une forme de manipulation qui transgresse ce contrat moral. De plus, cette pratique contrevient souvent aux obligations légales des employeurs en matière de formation professionnelle. Dans de nombreux pays, le code du travail stipule clairement que l’employeur a l’obligation d’adapter les compétences du salarié à l’évolution de son poste. Les entreprises s’exposent donc à des risques juridiques non négligeables en adoptant de telles stratégies. Au-delà des aspects légaux, c’est la réputation même de l’organisation et sa capacité à incarner des valeurs authentiques qui se trouvent compromises par ces pratiques managériales douteuses.

Vers un modèle de co-développement des compétences

Les organisations les plus innovantes ont dépassé cette opposition binaire entre formation complète et formation limitée pour adopter une approche de co-développement des compétences. Cette vision repose sur une responsabilité partagée entre l’entreprise et le collaborateur dans le processus d’apprentissage.

Dans ce modèle, l’organisation fournit les ressources, les opportunités et l’environnement propice au développement professionnel, tandis que le collaborateur prend une part active dans la définition de son parcours d’apprentissage. Les entretiens réguliers de développement remplacent les traditionnels entretiens d’évaluation annuels, permettant d’ajuster continuellement les besoins en compétences aux évolutions du poste et aux aspirations de l’individu. Des pratiques comme le mentorat croisé, les communautés de pratique ou les projets transversaux créent des espaces d’apprentissage informels qui complètent les formations structurées. Cette approche dynamique et collaborative répond bien mieux aux enjeux contemporains que la vision obsolète et contre-productive consistant à limiter volontairement la formation des collaborateurs.

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